Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
5 novembre 2008 3 05 /11 /novembre /2008 22:47
Petite pause dans la relation de mon voyage au Japon.

Eh oui, contre toute attente, Obama a été élu ! Et à entendre les media,  tous les journalistes américains sont heureux, tous les Américains sont heureux, tous les journalistes français sont heureux, tous les Français sont heures, le monde entier est heureux. Point. A part çà, on n'apprend rien. On ne dit rien, mais on le dit pendant des heures.

Pendant 8 ans, la France avait fustigé les Etats-Unis, pour son conservatisme, son impérialisme, son égoïsme, et j'en passe. Du jour au lendemain, les Etats-Unis redeviennent le paradis sur terre, le modèle absolu, comme dans la plus mauvaise série télévisée de propagande du "rêve" américain.

Hier infréquentable, la grande Amérique est soudain redevenue modèle universelle. Et la France de s'auto-flageller.

Comme une majorité d'entre nous, je me réjouis de cette élection, et des ouvertures qu'elle peut apporter. Toutefois, je déplore le simplisme du discours radio-télévisé, qui exulte sans analyser, qui compare sans prendre de recul. Car la question qui vient rapidement, est de savoir s'il serait possible d'avoir un président noir en France. La réponse semble être négative, car nous qui donnions des leçons de tolérance à l'Amérique de George Bush serions devenus d'horribles conservateurs.

Mais peut-on comparer nos deux pays ? L'élection d'un président noir en France est-elle si irréaliste ? Ne cherchant pas la moindre polémique, je ne répondrai pas de façon tranchée, d'autant que cette question n'appelle pas une seule et unique réponse. Je développerai simplement les deux pistes de réflexions suivantes.

Les Etats-Unis, nation unique en son genre.

La France, comme tous ses voisins européens (chacun à sa façon certes), dispose d'une identité forte, composée d'un grand nombre d'éléments, sédimentés au cours des siècles. Parmi ces éléments, on peut citer la langue, les arts, la religion, la philosophie. Bref, tout ce qui forge une culture et une histoire, forme l'identité de tous les pays qui nous entourent. Cette identité a été forgée progressivement, je dirais presque naturellement, par le peuple dominant qui compose le pays. Etre français, anglais ou espagnol, c'est adhérer à cette culture, s'en imprégner presque complètement, pour finir par faire partie de ce peuple.

Les Etats-Unis, et c'est dans ce sens qu'ils sont absolument uniques, se sont formés sur une terre considérée comme vierge (la culture des Indiens n'ayant eu aucune influence dans la fondation de ce pays), en amalgamant des groupes de différentes provenances, et surtout de différentes cultures. Et cet amalgame s'est fait autour d'une idée commune, démocratique, de cohabitation, entièrement contenue par la Constitution américaine. L'identité américaine est donc constituée de cette Constitution américaine, qui définit le "vivre ensemble démocratique et multiculturel". Elle est forgée autour d'un plus petit dénominateur commun.

L'élection de Barack Obama est extraordinaire dans le sens où les noirs ont subi de graves discriminations pendant des décennies. Mais elle est en réalité l'élection d'un membre de l'une des composantes de la société américaine, et non d'un membre d'une composante étrangère.

En France, ou dans un pays comparable, l'élection d'un noir (non antillais s'entend), serait l'élection d'un membre d'un groupe originellement extérieur, et qui aurait dû, au fil du temps, se fondre dans la culture dominante. Le processus d'intégration est donc forcément plus long.

Est-il pour autant impossible ?

Un noir à l'Elysée, est-ce vraiment impensable ?

Aux Etats-Unis, les noirs sont présents depuis 200 ans, même s'ils n'ont pas les mêmes droits que les autres depuis aussi longtemps.

En Europe, l'immigration massive en provenance de zones non européennes, comme l'Afrique, n'existe réellement que depuis 30-40 ans.

A t-on vu un paysan illettré devenir président des Etat-Unis du jour au lendemain, non. A t-on déjà vu un paysan breton illettré devenir président de la France du jour au lendemain, pas davantage, évidemment. Quelque soit le groupe ethnique auquel on appartient, il faut finalement 3 générations pour "s'extraire" des origines les plus modestes. Pour prendre mon exemple personnel, de Français d'origine franco-française, mes grand-parents étaient des paysans bretons, très pauvres, qui ont dû migrer dans une autre région pour trouver un travail. N'ayant été que très peu scolarisés, leur travail consistait à réaliser les tâches les plus ingrates. Mon père, 2ème génération, a eu son bac, ce qui était rare à son époque, et presque unique dans son milieu. Ce n'est finalement qu'à la 3ème génération que nous avons pu faire des études supérieures. Et encore, ma famille faisait partie du groupe culturel majoritaire.

Le problème se pose donc de la même façon (en ajoutant les difficultés liées à la différence  linguistique et culturelle) avec les descendants d'immigrés. Nous n'arrivons que maintenant au début de la 3ème génération. Or, dans les entreprises, je constate qu'actuellement, il y a de plus en plus de jeunes "issus de l'immigration". Il y a 10 ans, les noirs étaient systématiquement affectés aux tâches ménagères, n'ayant pas de formation et que très peu de maîtrise du français. Aujourd'hui, je constate de plus en plus de noirs (et de Maghrébins ou d'Asiatiques) dans les postes de secrétariat, même de direction, ou dans les services informatiques. L'ascension se fait donc progressivement.

Elle s'est faite d'ailleurs dans la politique et dans les entreprises avec les étrangers des vagues d'immigration précédentes (Espagnols, Italiens ou Polonais). Notre président de la République actuel n'est-il pas un descendant d'immigré ?

Bien entendu, les discriminations existent toujours, dans les entreprises comme en politique. Dans l'impossibilité actuelle de voir un noir président en France, il y a aussi une part de conservatisme de la part des électeurs. On le voit déjà avec le nombre de femmes élues. On peut y ajouter le conservatisme de la classe politique, qui ne se renouvelle que trop lentement, les postes étant "squattés" par les même personnes pendant de multiples mandats, et qui ne recrute que parmi un petit groupe, composé d'énarques et de hauts fonctionnaires.

Malgré tout, l'idée d'un président noir en France n'est pas irréaliste, même si le futur n'est pas forcément très proche. Et il faut surtout éviter de comparer des pays et des situations qui ne se ressemblent pas. Je regrette que les journalistes que j'ai entendus aient remplacé l'analyse par l'émotion.

Demain, nous repartons au Japon.
Partager cet article
Repost0

commentaires