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30 novembre 2008 7 30 /11 /novembre /2008 20:44

Départ par le Kodama Shinkansen de 10 h 13. Le soleil a l'air de vouloir revenir. Arrivée à Kyôto à 11 h 37. Il fait très chaud. Je suis heureux de retrouver Kyôto, comme on retrouve une vieille maîtresse. Je suis venu voir les préparatifs du Gion Matsuri. Je ne pourrai hélas pas assiter au matsuri lui-même le 17, car je dois retravailler à Paris le 15.

J'espère que je ne serai pas déçu et que je n'ai pas trop d'attentes de cette ville, qui a toujours su me réserver de belles surprises, et dans laquelle je me sens tellement bien. Du bus, la ville ne me paraît pas spécialement attirante, d'autant que le temps est légèrement couvert.

 

Il faut savoir que Kyôto, avec ses rues perpendiculaires et ses grandes avenues, se présente de prime abord comme une ville moderne sans charme, et non comme la ville traditionnelle qu'elle est. C'est peut-être cet aspect plus que superficiel des choses qui a fait au mari de Carla Bruni, qui fait actuellement office de Président de la République Française, que Kyôto était une ville sinistre, insultant par la même occasion l'ensemble du peuple japonais, pour qui Kyôto est LA ville emblématique de la culture japonaise.

 

Et c'est vrai qu'en approndissant ne serait-ce qu'un minimum, en ne se contentant de rester à la superficie la plus immédiate des choses, Kyôto se révèle à la fois être une ville moderne très animée, et un conservatoire vivant de tout ce que la culture jaonaise a pu et peut produire de plus beau et de plus raffiné. Mais il est vrai que le clinquant, le vulgaire et le tape à l'oeil sont étrangers à cette culture, et donc à cette ville.

 

J'ai réservé, avant de partir de Paris, quatre nuits au ryôkan Rikiya, qui se trouve à Higashiyama, à l'est de Gion, le quartier des geishas, entre Maruyama-Kôen et Kiyomizu-dera. Kôen = parc et dera = temple, donc inutile d'écrire, comme le font la plupart des guides, Parc Maruyama-kôen ou temple Kiyomizu-dera. Est-ce que les guides écrivent "cathédrale Notre-Dame de Paris Cathedral" ?

 

Le ryôkan se trouve dans un très joli quartier traditionnel, entouré de temples, tous plus beaux les uns que les autres, de superbes boutiques traditionnelles et de petites rues typiques. Le ryôkan lui-même est une construction ancienne, blanche, avec un joli jardin à l'entrée.

 

 

 

L'intérieur, ancien, est tout à fait classique. Le prix de 10 000 yens n'est justifié que par la situation. Dans un autre secteur, on n'aurait pas dépassé de beaucoup les 5-6 000 yens. C'est toutefois beaucoup moins sinistre, plus charmant et mieux tenu que Yamaki à Itô. Ma chambre est au rez-de-chaussée et donne sur un petit jardin. Les patronnes sont des mamies curieuses et obséquieuses, à la modu du Kansai.

 

Je me renseigne sur le programme du Gion Matsuri ; elles m'apprennent que du côté de Shijô Karasuma (à l'ouest de Gion), des chars sont en construction, pour le défilé du 17 juillet). J'en fais mon but de promenade.

 

Je passe évidemment par Maruyama Kôen et Yasaka Jinja (sanctuaire Yasaka, mon préféré à Kyôto), où je ne manque pas de faire une prière, comme à chaque fois que j'arrive à Kyôto. Sur l'estrade au centre du sanctuaire, un homme récite la légende d'Amaterasu, sous le regard de trois geishas assises sur le côté. Kyôto n'a finalement pas mis longtemps à m'offrir son premier cadeau.

 

 

Je repars à pied, et fais un détour par Hanamikoji (rue typique, pleine de de restaurants tradtionnels, dans Gion) et Miyagawa-chô (petite rue, au sud de Gion, où se trouvent la plupart des maisons de geishas), dans l'espoir d'apercevoir des maikos (apprenties geishas). Juste avant Miyagawa-chô, je m'arrête chez un coiffeur.

 

En bavardant, il m'indique qu'à 18h00, a lieu une cérémonie au Yasaka Jinja. Ce sera la sortie des mikoshis (autels portatifs en bois), dont un doit être emmené à la rivière Kamo pour être béni.

 

Je continue ma promenade, et retrouve facilement Miyagawa-chô. Mais cette fois-ci, pas de chance, je ne vois pas une seule maiko. Mais soudain, en passant devant la seule construction moderne de la rue, un gros bloc de béton devancé par un parking, je vois tout un groupe de maikos sortant de ce bâtiment, toutes en yukata. Je rentre pour me renseigner sur l'identité de ce lieu. Je tombe sur une vieille geisha, qui ne semble rien comprendre à mes questions. Je ne comprends pas davantage ses réponses, sauf que je dois revenir le lendemain, à partir de 11h30.

 

Je repars en promenade, et sur Shijô Karasuma, en effet, plusieurs chars sont en construction. Pour le moment, ils ne laissent pas imagnier l'allure qu'ils auront une fois achevés. Chacun d'entre eux se trouve devant une maison, dont le rez-de-chaussée est grand ouvert, et où l'on peut voir les ouvriers et le matériel, uniquement des cordes et des morceaux de bois.

 

La base des chars est constituée d'une armature faite de grosses poutres en bois, tenues entre elles uniquement par des cordes. C'est tout un art, et c'est très impressionnant quand on sait qu'une fois terminé, ce genre de véhicule peut au maximum peser 7 tonnes, mesurer plus de 30 mètres, et rouler grâce à des roues en bois de 2 mètres de diamètre, tiré par des dizaines de personnes, en transportant une trentaine de musiciens.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comme il fait vraiment chaud, je repars vers Gion. J'ai repéré un restaurant de cuisine kaiseki (cuisine traditionnelle raffinée de Kyôto), dénommé U An. Je passe pour réserver. La serveuse, très aimable, prend ma réservation, et me rassure en me disant que je peux venir en tenue de touriste, que çà ne pose vraiment pas de problème. Dans ces restaurants, même si la cuisine est raffinée et le service impeccable, on peut venir en tenue décontractée, on peut bavarder avec le personnel, donc il y a toujours un minimum de convivialité.

 

Je dirige ensuite mes pas vers le nord de Gion. Au nord de Shijô dôri, se trouvent quelques ruelles, bordées d'établissements en bois. L'un des endroits les plus jolis, à mes yeux, est cet ensemble, de deux rues, qui se rejoingnent sur une petite place où se trouve un petit sanctuaire. Dans l'une de ces deux rues, sur le côté, se trouve un ruisseau, de l'autre côté duquel on peut voir l'arrière de restaurants traditionnels, avec ses chefs en cuisine, et ses clients, parfois accompagnés de geishas, installés sur des tatamis. Le soir, tout est illuminé, et ce lieu est bordé de lanternes et de cerisiers, superbes quand ils sont en fleurs. J'ai inséré quelques images anciennes, de 2007, à l'époque des sakuras.

 

 

 

Le ruisseau bifurque au niveau de la petite place, où il enjambé par deux ponts. Juste avant le pont de l'est, bordé par le ruisseau qui se dirige vers le nord, se trouve un salon de thé, Gion Komori. C'est un bâtiment traditionnel, d'un étage, tout en bois. L'intérieur comprend un long couloir, et plusieurs salles, tout en tatamis, certaines donnant sur la rivière, et sur un très joli jardin intérieur. L'atmosphère est à la fois sobre et raffinée, grâce à un éclairage dosé, et à l'odeur d'encens typique de Gion.

 

 

La spécialité est le maccha parfait, une grosse coupe de glace au thé vert, avec du bavarois au thé vert.

 

Il est ensuite temps d'aller au Yasaka Jinja pour le Mikoshi arai. Il y a déjà du monde. Le temps est splendide.

 

 

Dans un coin, un petit bâtiment est ouvert, contenant trois mikoshis dorés. Ils doivent être sortis, pour être exposés sur la grande estrade centrale, où des décorations les attendent. Des porteurs de mikoshis attendent, d'autres transportent des brancards en bois à l'extérieur. Des prêtres shinto discutent et rigolent transuillement. Juste à l'extérieur, les brancards sont déposés, devant un restaurant traditionnel qui distribue de l'eau. Dans un autre coin, des papis en costume, assis, discutent en s'éventant à l'aide d'éventails.

 

 

Soudain, de l'entrée du sanctuaire donnant sur Shijô parviennent des cris d'hommes ("hoito, hoito !"). J'y cours et tombe sur l'ensemble des porteurs, en tenue spéciale (chaussures à pouce séparé, short blanc, veste blanche), qui processionnent, puis vont se rassembler au centre du sanctuaire. Un homme les entraîne, micro devant bouche, paroles relayées par des hauts-parleurs "wifi".

 

 

C'est le moment de sortir les mikoshis, l'un après l'autre, toujours avec des grands "hoito hoito". Deux mikoshis sont déposés directement sur l'estrade, et décorés d'objets en métal doré. Ils seront exposés jusqu'au Gion Matsuri, avec le troisième qui, en attendant, est emmené à l'extérieur pour être fixé sus ses brancards  l'aide de grosses cordes. L'ensemble pèsera alors 2 tonnes. Les manoeuvres sont dirigées par un homme, qui fait des gestes à l'aide d'un éventail et crie ses ordres dans son micro.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pendant ce temps, la majorité des porteurs se reposent, les prêtres participent à une cérémonie qui a lieu à l'intérieur d'un bâtiment, le sanctuaire proprement dit, interdit au public, et les papis se mettent en kimono.

 

Je sympathise avec l'un des porteurs, extrêmement agréable. Marié, 40 ans, 2 enfants, il est chef dans un restaurant (le sien) de cuisine kaiseki dans Gion. Il s'appelle Horibe Tsutomu et son restaurant s'appelle Gion Horibe. Nous en reparlerons. Je reverrai Tsutomu plusieurs fois au cours de la procession, et nous échangerons à chaque fois sourires ou paroles.

 

A un moment, tous les porteurs s'en vont. Les prêtres sont toujours à la cérémonie. Grand calme. On entend juste le cri strident des grillons et le pas de la foule sur les graviers. Les porteurs sont visiblement allés faire le tour du quartier pour rameuter la foule.
A la nuit tombante, ils reviennent par Shijô, toujouts en criant, précédés de lampions, d'étendards et d'une grande et lourde (30 kilos) torche en bambou. Au même moment, dans un autre secteur du sanctuaire, des mères de famille, en kimono léger, habillent et maquillent des enfants, en tenue de samurai ou en grue.

 

 

Dans le sanctuaire, tout s'active. Un prêtre en grande tenue bénit les papis en kimono, chacun portant un lampion. Toutes les torches en bambou sont allumées. Le sanctuaire, illuminé, est magnifique à la tombée de la nuit.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Enfin, la procession commence. Le mikoshi, précédé par les torches, les prêtres, les lampions, part par la rue latérale, et rejoint Shijô dôri. Petite pause au milieu, pour relayer les porteurs. De temps en temps, le mikoshi est secoué pour réveiller le dieu, dans un joyeu bruit de métal. La foule suit, de plus en plus nombreuse, en tapant dans les mains et criant "hoito hoito". Sur l'autre moitié de l'avenue, la circulation n'a pas été coupée. L'organisation est vraiment impeccable.

 

Arrivé sur le pont, le mikoshi est porté en tournant devant la foule pendant un quart d'heure. Tout le monde crie quelque chose comme "maze, maze". Puis le mikoshi est déposé, et un prêtre en grande tenue vient le bénir, en l'arrosant d'eau de la rivière kamo à l'aide de branches de sakaki, arbre sacré de la religion shintô. Enfin, le chef des porteurs vient finir l'eau, en arrosant la foule. C'est la grande rigolade.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le mikoshi repart au sanctuaire, où il sera exposé avec les deux autres. Je quitte le cortège à mi-chemin ; il est l'heure d'aller manger.

 

Devant le restaurant Pontocho U An, où j'ai réservé, une serveuse souriante, en kimono, m'attend. Elle me conduit sur le yuka, grande terrasse en bois, aménagée en été en surplomb de la rivière devant tous les restaurants. L'endroit est très joli. La serveuse me propose de me prendre en photo.

 

 

Les plats se succèdent, très raffinés. Hélas, n'ayant pas noté sur le moment leur composition, je suis incapable aujourd'hui de décrire ce que j'ai mangé. En fond sonore, les ushigaeru, littéralement grenouilles-vaches. Il paraît que ce sont de grosses grenouilles dont le cri ressemble à un meuglement de vache. On dirait plutôt une otarie ou une sirère de bateau. Les serveuses, par ailleurs très attentionnées, éclatent de rire quand je leur demande si cet animal se mange. Il paraît que c'est comestible, mais que le goût est identique à celui du poulet, donc autant manger directement du poulet.

 

Voici les photos de quelques plats du menu à 10 000 yens (hors boissons).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Après le repas, les serveuses viennent bavarder. La soeur de l'une d'elles fait des études en France. Le chef vient participer à la conversation. Il a passé trois ans en France. Les serveuses, toutes en kimono, et le chef me raccompagnent dans la rue et me font de grands signes jusqu'à ce que je disparaisse.

 

Il n'y a vraiment qu'au Japon que j'ai trouvé ce mélange de raffinement, de qualité de service, de qualité du travail, de politesse, et en même temps de gentillesse, de simplicité et de convivialité.

 

Je retraverse Yasaka Jinja pour admirer les mikoshis avant de rejoindre mon ryôkan. Douche bien méritée avec cette journée inoubliable et bien remplie, puis nuit agitée en compagnie... de nombreux moustiques. La nuit prochaine, je fermerai la fenêtre et allumerai la clim ; pour une fois, ma peau passera avant l'écologie.

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