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8 juin 2009 1 08 /06 /juin /2009 20:27
Pour faire suite aux remarques récentes que j'ai faites sur les vins du Nouveau Monde ( Beringer Cabernet Sauvignon 2001 ), voici une petite expérience que j'ai eue l'autre jour au cours d'un dîner organisé chez  un ami au Japon.

Cet ami, dont la cave (ou plus exactement l'armoire à vin) est au demeurant très bien fournie, nous a servi ce soir-là 4 bouteilles. Le but n'était pas de comparer, mais simplement de se faire plaisir. C'est donc lui qui a choisi les bouteilles, je me suis contenté de me laisser servir - un peu trop abondamment d'ailleurs, mais ceci est une autre histoire

En premier, nous avons eu un Corton Charlemagne 1997 de Louis Latour. Je vais peut-être vous paraître petit joueur, mais c'était la première fois que je buvais ce type de vin. Alors quand on est amateur, on se demande toujours ce qu'est un grand vin, et s'il y a réellement une différence avec les autres, justifiant la différence de prix. Ici, franchement, la différence était très nette. Le vin était à la fois fin et présent, avec un grand nombre d'arômes, à la fois très fins, très nets, et très persistants.

Ce Corton Charlemagne m'a permis de donner ma définition (très très provisoire, évidemment) du grand vin : c'est un vin dont les arômes sont nombreux, nets, et facilement identifiables.

Tiens, pour celui-ci, quels arômes ? Eh bien principalement des arômes de fleurs, de miel, etc. Et tout de même une petite pointe d'oxydation. Un petit défaut, qui indique vraisemblablement qu'il vaut mieux liquider tout le stock sans tarder. Mais ce n'est pas mon stock, dommage

En deuxième, un Bordeaux, Ducru-Beaucaillou 1996. Moins complexe celui-ci, mais tout de même excellent, avec une dimension que n'ont pas les vins moins bien classés. Arômes très présents et en même temps très raffinés de griotte et de sous-bois.

Personnellement, j'aurais pu m'arrêter là pour la soirée, mais mon ami avait décidé de faire plaisir. Il a alors sorti ses bombes californiennes : Kistler, Sonoma, Russian Valley, parmi les vins les plus réputés de cette région.

En premier, le pinot noir 2006, considéré comme le Romanée-Conti US. Première impression, on en prend plein la gueule. C'est un vin extrêmement puissant, très impressionnant, qui vous cloue sur votre chaise. Très bien fait, mais pour moi assez lourd, ne me procurant pas franchement de plaisir.

Ensuite, le chardonnay 1998. Là, première remarque : il était finalement mieux conservé que le Corton Charlemagne, ce qui prouve une fois de plus que les vins californiens peuvent parfaitement bien tenir dans la durée.
A la dégustation, c'est aussi un vin très puissant, très rond, très large, je dirais même plus tout en largeur et en opulence. Au nez, c'est encore très boisé, très noisette, très caramel, et en bouche, c'est excessivement gras.

Finalement, pour comparer les deux blancs, que peut-on dire ? On a d'un côté une boisson raffinée, complexe, avec ses qualités et ses défauts, c'est à dire sa personnalité. De l'autre côté, on a un produit industriel parfaitement fabriqué, sans aucun défaut, mais sans aucune personnalité. Et puis surtout, le Corton se boit presque d'un trait, alors que le Californien devient vite lassant voire indigeste. Son taux d'alcool (14°) doit y être pour quelque chose, mais pas seulement.

Quelle réaction parmi les Japonais ? D'une part, il y a ceux qui se laissent impressionner par les vins californiens. C'est un élément à prendre en compte, je pense, dans la façon d'exporter les vins français. Il faut savoir qu'une personne qui n'a pas la culture du vin, donc aucune référence en matière de goût de cette boisson, va se laisser impressionner. Il faut donc lui montrer que le vin n'est pas forcément qu'une grosse baffe dans la gueule, que ce peut être aussi un moment de plaisir . Mais il faut pour cela vendre des vins qui n'ont pas trop de défauts, car les japonais sont très attachés à ce zéro défaut dans les produits industriels. Sauf à démontrer, et cela prend du temps, que le vin n'est pas qu'un produit industriel. On peut alors accepter certains traits de personnalité, qui seraient des défauts recherchés, comme sur certaines poteries japonaises délibérément inachevées. On rejoint ici l'interview de Peter Hall, attaché de presse de Diageo dans Mondovino ( Mondovino épisode 2 : La potion magique), qui considère que contrairement à ce qui se produit pour les autres produits de consommation, le consommateur de vin finit par devenir de moins en moins fidèle en devenant de plus en plus connaisseur.
Par contre, la plupart des Japonais présents ce soir-là, une fois passée la première impression, ont rapidement trouvé que le chardonnay de Kistler manquait de personnalité et était difficile à boire. Paradoxe une fois de plus : le mieux fait est le moins buvable ! Voilà, c'était mon petit jugement de Paris à moi.

Alors évidemment, dans le fait que le Californien était moins buvable, je ne peux quantifier la part de lassitude générale, due au fait qu'après 4 bouteilles, je n'étais vraiment plus très frais. Comme j'ai fait remarquer à mes amis en fin de repas, les vins californiens sont forts, mais heureusement que les toilettes japonaises sont automatiques - mais comme dit précédemment, ceci est une autre histoire
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